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Lagny #2 : Politique documentaire et Cotation, mes deux amours !

Politique documentaire ou Poldoc, cotation : ce billet n'est pas vraiment destiné aux bibliothécaires aguerris déjà en poste mais il répondra peut-être à quelques questions pratico-pratiques de nouveaux collègues ou peut-être même à celles de curieux non-bibliothécaires !

Par ailleurs, le traitement de la question vous sera présenté d'un point de vue très local, celui de la préfiguration Lagny.

Dans la présentation du projet Lagny #1, nous avons expliqué combien l'environnement et l'implantation de la bibliothèque étaient essentiels. Les contraintes de volumétrie, de budget sont à prendre en compte.

Les questions bibliothéconomiques se posent lors de la préfiguration. L'offre documentaire sera-telle réellement adaptée à nos futurs publics ?

Créer une collection ex-nihilo tient toujours du pari et les premières années de fonctionnement permettront d'avoir une évaluation réelle du travail mené.

Traditionnellement une politique documentaire se décline en 3 points :

- politique d'acquisition

- politique de conservation/élimination (ou désherbage)

- politique de communication (prêt, consultation sur place uniquement)

Au tout début, comment définir la politique d'acquisition ?

Commencer si l'on peut par établir des requêtes sur les fonds de bibliothèques d'envergure similaires ou ayant des caractéristiques communes (implantation dans des quartiers populaires, part dévolue à la fiction plus importante que celle des documentaires, projet d'établissement mentionnant un axe social, présence de fonds d'autoformation etc. etc.) donc avant d'avoir un cadre théorique sur lequel s'appuiera l'équipe, beaucoup de lectures, de visites et d'échanges avec les collègues !

Pour les bibliothécaires, demander à ce que l'on vous communique des exemples de fiches domaines (voir plus loin). Si c'est en ligne, consulter une charte documentaire, un rapport d'activité récent peut aussi être très utile pour saisir "l'esprit d'une collection".

La politique documentaire n'est pas une affaire de spécialistes hors-sol, c'est un élément du projet d'établissement global.

Quels outils ?

Le fameux PDC ou plan de développement des collections

Rappel de la définition, exemples dans ce billet du service Questions/ réponses de l'Enssib (avril 2016)

Comme bien d'autres collègues ayant participé à une préfiguration, nous avons créé une base d'acquisition sous Excel. Cette base est enrichie de tous les documents commandés tous pôles et domaines confondus qu'il s'agisse des commandes directes ou des commandes centralisées

Il s'agit d'un instrument de gestion collective qui est aussi utilisé comme tableau de bord par domaines d'acquisition. Chaque acquéreur peut ainsi suivre la progression du fonds dont il/elle a la responsabilité.

Vue de la base d'acquisition 2017 en cours de constitution ICI

Les fiches domaines

Une fiche domaine est à la fois un outil complet de pilotage (qui explicite, tant quantitativement que qualitativement, les orientations d’acquisition et de développement de la collection) et un outil de transmission du projet documentaire (les chargés de collection peuvent quitter la bibliothèque, changer de domaine etc.). [définition extraite du blog Bambou]

La fiche doit être lisible pour un nouvel arrivant, un stagiaire ou un(e) chargé(e) de collection qui reprend le poste et ne connaît pas grand chose au sujet.... Elle doit être actualisée 1 fois / an.

En phase de création d'un fonds, la rédaction de la fiche domaine permet de formaliser les priorités et de cadrer la "lettre de mission acquisitions". C'est donc un document qui est loin d'être anodin et qui a une visée à la fois pratique et intellectuelle.

Voici deux exemples de fiches domaines de la bibliothèque Lagny : la fiche Langues et la fiche Chick-Lit (Littérature de poulettes, romances)

Cette fiche d'identité se doit d'être un peu formelle. Elle comporte un plan donné, un gabarit qui doit être utilisé par tous les bibliothécaires responsables de la gestion d'un fonds. L'ensemble des fiches domaines d'un établissement peut servir de base de travail pour la rédaction de la Charte documentaire.

Il y a de nombreux modèles de fiches domaines, certaines sont très détaillées et correspondent en général à des fonds de type universitaire.

Les collectifs de veille des bibliothèques de la Ville de Paris qui travaillent pour l'ensemble du réseau des bibliothèques établissent eux aussi des fiches domaines

Définir le profil de la collection à la bibliothèque Lagny

A terme, nous aurons 35 000 documents tous supports et tous publics. Le niveau de lecture général est volontairement grand public.

La part de la fiction tous supports, documents adultes et jeunesse confondus, représente presque 70% de la collection.

[if !supportLists]o [endif]55% de Fiction (60% de romans (dont 1/3 romans de genre), 39% de BD, poésie, théâtre…)

[if !supportLists]o [endif]24% Documentaires (orientation surtout sur les loisirs, la vie pratique et l’autoformation)

[if !supportLists]o [endif]21% DVD

La collection comprend des imprimés (adultes, jeunesse et petite enfance, des DVD (adultes et jeunesse), des CD textes adultes et jeunesse mais aussi des jeux.

Acquisitions Jeunesse

  • Jusqu’au niveau cycle 3 pour les documentaires

  • Jusqu’à 12-13 ans pour la fiction

  • Le volet Petite enfance (fonds, animations et partenariats) est un des points forts du fait de la localisation de 2 crèches (135 berceaux au total) et une halte-garderie juste à proximité.

Acquisitions ados/adultes

  • A partir de 13 ans pour la fiction qui sera classée sans distinction d’âge ados / adultes

  • Pour les documentaires à partir de l’entrée au collège

Nous tablons sur une complémentarité avec l’offre de la Médiathèque Marguerite Duras et les ressources de la Réserve Centrale.

Focus : Du Facile à lire au Facile à vivre ?


Voici une orientation de la politique documentaire qui n'est pas encore complètement définie au moment où nous écrivons.

Née dans les pays scandinaves, cette pratique s'est importée en France récemment. Les bibliothèques bretonnes ont été pionnières en ce domaine. Le "Facile à lire" est au départ un outil pour combattre l’illettrisme plutôt destiné à un public adulte mais selon les cas, les documents peuvent aussi être proposés à des enfants dyslexiques.

Il y a beaucoup de manières de valoriser ces fonds sans stigmatiser ceux qui les utiliseront et la création de ce projet ne se fait jamais sans une réflexion d'équipe sur la médiation et une politique de partenariats du champ social. Synthèse sur le site de la Médiathèque départementale d'Ile et Vilaine)

Le projet sera abouti si l'on arrive à créer une communauté d'intérêt autour de ce fonds de la part d'habitants du quartier.

On en revient à la co-construction des collections.


A la recherche du livre perdu ou de l'usager perdu (parfois c'est pareil !)

Pourquoi une cotation adaptée ? Faire en sorte de faciliter l'accès au document

En guise d'introduction, voici une petite perle : film éducatif de 1951 montrant les avantages de la maitrise du catalogue et de la classification Dewey. La vidéo dure 10'14, elle est en anglais.

Library Organization - 1951 Educational Documentary - WDTVLIVE42

Le Pitch : Jean (c'est la fille un peu nunuche) n'arrive pas à trouver un document alors que Tom (le garçon modèle un peu bêcheur) sait consulter le catalogue, recopier une cote et identifier au premier coup d’œil le livre dont il a besoin. Heureusement la gentille bibliothécaire va sortir de derrière son guichet et initier Jean à la technique de la recherche documentaire...

Si vous ne voulez pas non plus ressembler à James Stewart perplexe (Indiscrétions, réal. G. Cukor, 1940)...

N'oubliez pas que quelque soit la classification utilisée, elle est porteuse de certaines valeurs et d'une certaine vision du monde, de la culture.

Ainsi la Dewey (CDD) simplifiée, révisée à plusieurs reprises n'en reste pas moins attachée aux conceptions étasuniennes de la fin du 19ème siècle de son concepteur le bibliographe Melvil Dewey qui l'élabora en 1876.

Aucun système de classement n'est neutre.

L'abandon complet de la classification Dewey à Lagny. Pourquoi ?

Il nous a semblé que la volumétrie (35 000 documents) et la configuration à taille humaine (1 seul plateau décloisonné) nous permettait de travailler en ce sens.

Partant du principe que pour le public l'accès au document se doit d'être le plus simple possible !

Bibliotheque lagny Paris 20- Vue sur les 5 étages, Public Library of Cincinnati & hamilton County©Tous droits réservés

Pour beaucoup, les débats de classification sont affaires de bibliothécaires (on schématise un peu mais pas vraiment), nous nous sommes dits qu'orienter le public grâce à des mots clefs à la manière d'un classement par centres d'intérêt tel que l'on peut le trouver en librairie ou dans presque n'importe quel magasin pouvait être intéressant.

Nous sommes loin d'être la seule bibliothèque à chercher une alternative à la classification traditionnelle. Ainsi, notre voisine la plus proche la Bibliothèque Louise Michel dont la volumétrie est à peu près identique a déjà pris cette option. Il va de soi que cela est cohérent dans une bibliothèque de petite ou de moyenne taille mais que ce serait une opération beaucoup plus complexe à mettre en œuvre dans un très grand établissement...

La volumétrie et le fait qu'il s'agisse d'une bibliothèque "à taille humaine" dans laquelle l'équipe sera présente et accompagnante (ah ! une autre idée de billet, ce sera pour plus tard sur notre réflexion collective autour du Service public), tout ceci nous incite à tenter un autre modèle de bibliothèque moins formaliste et moins intimidant.

Il s'agit d'une expérimentation qui s'appuie sur le projet Lagny, lequel s'appuie sur les données du diagnostic social et territorial, l'observation de terrain même partielle, des échanges directs avec habitants ou partenaires.

Mais attention simplification ne veut pas dire simplisme !

Proposer une autre cotation simplifiée n'est réellement intéressant que si les usagers se l'approprient !

Nous parlerons dans un billet ultérieur (encore un) de signalétique générale et de scénographie des collections, du choix du mobilier qui seront le cadre du plan d'implantation des collections.

Attention : une préfiguration c'est Work in progress donc ce document est un outil de travail en cours de construction. Nous devons peaufiner notre PDC pour les BD et mangas.

Nous vous conseillons aussi le très intéressant article de Nicolas Beudon Le « bookstore model » : le retour de la vengeance des classements par centre d’intérêt publié le 31/12/16 dans le blog Le Recueil factice http://lrf-blog.com/

L'objectif (difficile à atteindre) de la Charte documentaire

Contrairement au plan de développement des collections ou à la fiche domaine qui sont des outils de travail internes, la Charte documentaire est un document de communication à usage externe. C'est à terme l'une des pièces maitresses du projet d'établissement que l'on peut diffuser aux élus d'une collectivité, à la tutelle hiérarchique.

Autant être très honnête, il s'agit d'un travail de synthèse et de rédaction difficile à finaliser qui demande de la rigueur.

Dans l'idéal, la charte documentaire doit être actualisée régulièrement (1 fois tous les 3 ans en moyenne) et ce d'autant plus qu'un projet d'établissement peut être amené à évoluer.

Comme pour les fiches domaines, une charte de politique documentaire est susceptible d'être révisée et modifiée. Elle constitue un outil de politique publique et n'est pas juste une "affaire de bibliothécaires"...

Quelques exemples :

Charte documentaire du réseau de la Ville du Havre en 2013 (avant l'ouverture de la Médiathèque Niemeyer)

Voir aussi L'aide à l'élaboration d'une charte documentaire Site de la Médiathèque départementale de l'Eure

Alors documents classés ? Pas classés ? Décimale, mots-clefs ? Centres d'intérêts ?

Remarquez, vous pouvez aussi faire comme le légendaire Gaston Lagaffe champion toutes catégories des classifications

Ci-contre les vœux 2017 de la Bibliothèque Publique d'Information

En savoir encore un peu plus :

Blog Bambou de la Médiathèque Intercommunale Ouest-Provence (MIOP) animé principalement par Jérôme Pouchol, conservateur responsable de la politique documentaire de la MIOP

Fiche La politique documentaire : Service questions/réponses de l'Enssib

Question posée : " Bonjour, Pourriez-vous m'expliquer ce qu'est une "fiche domaine" et la différence avec un plan de développement des collections ?" (Février 2014). Références bibliogr. en fin de page

Et enfin le premier roman de Sophie Divry paru en 2010 intitulé La Cote 400 qui s'il ne renouvelle pas vraiment l'image de la bibliothécaire est un exemple de la rencontre étrange entre fiction et classification Dewey ! Une curiosité à lire.

"Une bibliothécaire d’une cinquantaine d’années, après vingt-cinq années à faire ce métier, et en bonne partie dans la cave d’une bibliothèque de province, à ranger des livres sagement alignés dans leur rayon respectif, et qui trouve ce métier terrifiant à maîtriser cette vertigineuse production humaine, fruit de deux milles ans de civilisation. Elle qui ne s’accorde d’autre fantaisie que d’installer une plante verte pour rendre les lieux plus agréables, mais qui pulvérise dans l’explosion de son monologue théâtral l’ordre et « la toute puissance de la rationalité », incarnée par le système de classification de Dewey." (résumé Electre)

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